Lundi 10 Octobre 2011
Analyses
Un soupçon de fédéralisme soufflerait-il ?Un soupçon de fédéralisme soufflerait-il depuis peu sur certains dirigeants européens ? Depuis 2008 et le début de la crise économique et financière, beaucoup n’avaient eu de cesse de réclamer « plus d’Europe », tout en agissant en sens inverse. L’Allemagne d’Angela Merkel et la France de Nicolas Sarkozy s’étaient ainsi illustrées par leurs pressions sur la Grèce pour que cette dernière continue d’honorer, malgré ses difficultés budgétaires, ses contrats d’armements. José-Manuel Barroso continuait à ignorer son mandat de Président de Commission. D’autres prétendaient remettre en cause l’accord de Schengen et réactiver au sein même de l’Union les contrôles systématiques aux frontières. Le fameux « repli national », indéniablement, traînait dans les parages.Par Charles Baillieu
Est-ce en raison du précipice économique dans lequel nous risquons toujours de tomber, est-ce dû aux pressions inquiètes et plus ou moins amicales d’acteurs tels que les Etats-Unis ou par un sursaut de fierté bienvenue que cette tentation semble s’éloigner ? Il paraît impossible pour l’heure de répondre à cette question ; mais il semble bel et bien que le projet européen lui-même, en tant qu’idéal politique, réapparaisse dans les propositions de certains de nos responsables nationaux et communautaires.
UN BARROSO CONVERTI EN VAUT DEUX L’exemple le plus frappant en est sans doute le "discours sur l’Etat de l’Union" prononcé par un Président de la Commission plus fédéraliste que jamais, fin septembre, à Strasbourg. Annonçant vouloir œuvrer à la mise en place d’une taxe sur les transactions financières, réclamant plus de compétences pour la Commission, rappelant qu’il n’y a pas d’Union qui ne soit possible si elle laisse de côté les citoyens ou condamnant les atteintes à la libre circulation des personnes à travers l’Europe, José-Manuel Barroso a surpris et agréablement surpris : comme s’il prenait enfin toute la mesure du rôle qui devrait être le sien. Certes, les attentes n’étaient pas bien élevées, il était donc facile de les satisfaire et même de les dépasser ; certes on aurait aimé entendre ces paroles il y a un an, ou deux ans, ou peut-être même trois ans, mais enfin il serait stupide de bouder notre plaisir. D’autant que José-Manuel Barroso n’est pas le seul à se redécouvrir de l’ambition. Le Parlement européen étudie la mise en place de possibles listes transnationales pour sa propre élection, à l’initiative d’un Andrew Duff qui relance par ailleurs la mode de l’opuscule fédéraliste . Pour leur part, les patronats français, italien et allemand eux-mêmes en viennent à réclamer une Europe plus intégrée , et à appeler de leurs vœux la rédaction d’un nouveau traité « afin que puissent être établies les fondations d'une Europe du XXIème siècle prospère et politiquement forte ». Une modification institutionnelle d’envergure également envisagée par José-Manuel Barroso, même si celui-ci souligne – à raison – que beaucoup pourrait déjà être entrepris dans les limites des textes actuels. ILLUSION D’OPTIQUE ? S’agit-il d’une tendance lourde ou d’un épiphénomène ? Une chose apparaît d’ors et déjà certaine : c’est le danger qu’il y aurait à se contenter de saluer cette évolution, aussi bienvenue soit-elle. Parce que l’Europe a trop attendu pour se payer de promesses et de grandes déclarations. Parce que de nombreux gouvernements restent fondamentalement trop prisonniers du court terme et de leurs intérêts immédiats. Parce qu’on ne saurait promouvoir un nouveau traité sans réfléchir plus en profondeur que jamais à ce que nous voudrions y mettre, au risque de rééditer le référendum de 2005 et ses incompréhensions multiples et réciproques. De ce point de vue, il y a encore beaucoup à faire : car le discours des uns et des autres reste particulièrement flou sur de nombreuses notions pourtant fondamentales – solidarité, croissance, « discipline », « économie verte », que l’on voudrait forcément compatibles et qu’on rechigne donc à définir précisément. En l’absence d’un véritable projet de société, pour ne pas dire de civilisation, qui reste encore largement à définir, on voit mal comment les Etats membres pourraient progresser de nouveau ensemble et comment, a fortiori, l’Europe pourrait enfin se faire fédérale. C’est tout l’enjeu des années à venir. Il faut que les partis nationaux et que les partis européens, que la société civile et que les citoyens se ressaisissent à plein de ces débats, et profitent pour ce faire des échéances électorales à venir, en Espagne, en France, en Allemagne, en Italie, en attendant le renouvellement du Parlement et de la Commission en 2014. Comme le dit José-Manuel Barroso, on sera alors un siècle tout juste après le déclenchement de la Première guerre mondiale : précisément le genre de conflits contre lesquels le projet européen vit le jour. Il sera plus que temps alors de lui faire franchir un pas décisif.
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